jeudi 28 juin 2012

Le lieu de mon repos

   Aujourd'hui est un jour de pause. Je me restaure, je me repose. J'ai marché longuement pour parcourir en deux jours les 75 km de petites routes entre la communauté de l'Arche de la Fleyssière et la maison de tante Jeanne. J'ai marché tranquille, me réjouissant des paysages, me régalant de fraises des bois, et pourtant... sans bien m'en rendre compte j'avais hâte de rejoindre le prochain lieu où je sais que mon corps sera confortable: manger à volonté, dormir dans un lit douillet. Alors j'allonge, non pas les pas mes les heures, dix heures, douze heures de marche... et j'arrive à bon port bien fatigué. Je dois alors me reposer, rester un jour pour me refaire. Je me dis :"c'est l'occasion d'être avec jeanne, avec jean-Roméo et Roger, c'est l'occasion de partager". C'est vrai, et j'en suis heureux. Mais il y a autre chose. Je vois bien que je ne suis pas libre de ma dépendance sur tout ce réconfort qui me rassure. Je me sent un peu comme les Hébreux aux désert qui rêvent de pot au feu alors que la manne et les cailles leur sont données en suffisance. Certes je me sens vivant, je respire, je contemple. Il y a ces moments sublimes où le merveilleux se fait jour en moi, ces chemins moussus tapissés de mille verts, ces ruisseaux cristallins qui chantent et dansent et trouvent leur chemin au creux de la forêt, ces panoramas grandioses de rudes collines fumantes de nuages: la Nature... si belle!
   Pourtant j'ai encore peur. Pas sûr d'être comblé. Alors je traverse la Nature et la Vie plutôt que la rencontre. Certes elle me porte, me nourri, elle m'enchante, et pourtant, je me détourne de tout détour, filant au plus vite pour rejoindre le lieu de mon repos, car ce n'est pas en elle que je repose. Serait-ce à l'image de notre vie sur la Terre lorsque souvent nous nous affairons inquiets, cherchant à fuir la finitude de notre condition, et en fait courrons vers la mort au lieu de goûter chaque seconde de vie.
   Demain j'espère reprendre le chemin (et c'est bien différent que de reprendre la route). Demain est un jour nouveau  et il a commencé ce soir alors que j'écris ces mots. Car je porte en moi, je le sens maintenant, cet ardent désir de Te retrouver,
O Nature divine, Nature bien aimée, d'abandonner mes peurs et de me retrouver infiniment vivant, comblé, en Toi.

Alors je fais cette prière
De tout souci, de toute affaire
Que mon coeur s'ouvre et se libère
Et marchant doucement sur la Terre
Que Ta beauté me désaltère
Qu'une fleur, même une pierre
Me soit un festin de lumière
M'abandonnant - confiance entière
Tapis de mousse, lit de fougère
Sur Toi repose, en Toi espère
Sur ton sein nu de tendre mère

dimanche 3 juin 2012

Mardi 22 mai
Aujourd'hui il vente et il bruine. Je marche doucement en direction du Sud-Est sur les petites routes. Pas d'argent, mais la joie au coeur de plonger dans la Vie, un pas de confiance, mille pas de confiance, dix mille pas de confiance... pour la rencontre, le partage. Inspiré par Pèlerin de paix, je ne demande pas de nourriture, ni d'abri pour la nuit, je vais, au petit bonheur la chance, accueillant ce que la providence me destine.
   Ce soir je souhaiterais passer la nuit à l'abri de la pluie; sur une gravure, des églises du coin dessinées, l'une d'entre elles présente un beau porche, c'est mon chemin, j'y vais...  Le porche est là et l'église est ouverte. Me voilà rentré dans ce vaste espace de quiétude, de recueillement, de louange. Une petite chapelle dans un recoin est décorée de fleurs et deux bougies sur chandelier déversent dans ce lieu une lumière douce et chaleureuse. C'est une chapelle dédiée à la Mère divine, pleine de tendresse, de compassion de douceur et de beauté. Elle abrite une petite piéta de bois peinte. La petite histoire raconte qu'un homme dont la femme et l'enfant était malade de la peste à réalisé cette oeuvre en appel à la miséricorde maternelle, ici sous le nom de "Notre Dame de Pitié". Un nom qui, à beaucoup d'entre nous, peut paraître rebutant, chargé de souvenirs douloureux d'une institution  mêlée au pouvoir de ce monde, ou il est difficile de sentir couler la sève de l'Amour. Et ce mot "pitié", est-ce qu'il évoque autre chose que cette condescendance affectée? Autant de mots, et surtout de maux, à comprendre, à envelopper de compassion, à guérir. Certes ça fait mal! Et la première réaction est le rejet: loin de moi ce mal! Mais dans un monde où la Vie est une, où le sort de tous dépend de chacun, il n'est pas possible d'être pleinement heureux sans avoir ouvert la porte de notre coeur à toute la vie, à tout de la vie, et notamment à la souffrance, la notre et celle d'autrui, sans garder notre coeur sensible, et que la tendresse, la compassion vienne nous délivrer, nous conduire au delà de l'avidité et du rejet, au delà du bien et du mal. Hou la la j'ai fais une longue digression. Je reprends mon récit...  Alors je m'assois volontiers dans cette chapelle, et je chante un moment, pour moi même, pour la Vie, et aussi avec l'espoir un peu confus que quelqu'un m'entende, et peut-être m'invite car le porche ne protège que partiellement du vent humide, je suppose que quelqu'un va venir fermer l'église, j'ai laissé mon sac à l'entrée, bien visible, et je suppose que la personne va venir éteindre les bougies. Puis je marche dans l'église et à côté de cette chapelle justement, un grand tableau au mur représente un homme que je reconnais être un pèlerin à son large chapeau sa gourde et sa coquille. Tandis qu'un chien portant dans sa gueule un pain le regarde, il semble rendre grâce au ciel qui s'est ouvert et laisse apparaître la Mère et l'Enfant. Je suis en arrêt devant ce tableau, songeant à mon désir de vivre se voyage abandonné à la Providence. Tout à coup j'entends une voix de femme disant:"Ya pas de miaou ici" puis "iiioonnn poooum clac clac" la porte de l'église est fermé. Et je suis enfermé, content et remerciant de cette fantastique chambre à coucher. je m'installe pour dormir sur l'estrade en bois dans la chapelle dorée. Au matin, je tourne le verrou qui s'ouvre du dedans et reprend mon bonhomme de chemin dans le matin frais.

   Je marche de colline en colline, faisant pause dans ces villages perchés. Les cerises sont déjà mûres éclatant gorgées d'eau des derniers jours de pluie. Je me fais un festin des marguerites du chemin. Je n'ai pas faim, mais dans ma tête il y a du pain, c'est bon du pain, je pourrais bien manger du pain, et est-ce que je vais tenir sans pain? Je pourrais aller à une boulangerie, demander s'il à du pain rassis à donner? C'est tentant! pourtant je ne sens pas la faim. Cette voix revient, continue de me parler, de me travailler, mais j'ai envie d'attendre, de me laisser découvrir ce que la providence me réserve, de faire cette expérience de découvrir que je peux lâcher mes peurs, notamment celle de manquer, et accueillir, vivre l'instant. Mais la voix est tenace, et dans un village je vois l'enseigne d'une boulangerie. Hésitations, tergiversations intérieures... je vais voir (autant dire je succombe à l'appel, non du ventre, mais du mental). Arrivé devant la vitrine, je jette un oeil intéressé à travers la vitre: complètement vide, pas même un meuble! Bon, ça va, ce n'es pas pour moi, "tu vois mental, c'est vide". Je reprends mon chemin par la rue principale, une autre boulangerie dis-donc! Bon je vais rentrer: pareil! vide, désertée! Ça c'est pas banal. "tu vois mental c'est vraiment vide!" de l'autre côté de la rue, je vois écris en grand: "CLIN D'OEIL La boutique souvenir" D'accord, j'ai compris, merci!...