C'est lorsque nous sommes arrives en Inde que nous avons compris que la campagne d'un an, preparatoire a la marche des 100 000 d'octobre 2012, ne se fait pas a pied mais en voiture. C'est un petit groupe d'une vingtaine de personnes, dont Rajagopal biensur, qui a entrepris de silloner pendant toute une annee l'ensemble de l'Inde. C'est que le pays est immense et le sens de cette entreprise est d'aller a la rencontre des communautes d'indigenes, de paysans, sans terre ou sans logis ou menaces de le devenir, dans la jungle, la campagne et aussi en ville, pour les ecouter, pour les rejoindre, et pour les inviter a s'unir en participant a la formidable marche des 100 000, qui vont marcher pendant un mois de Gwalior a Delhi pourdemander au gouvernement de respecter effectivement leurs droits de vivre simplement en preservant les ressources vitales naturelles: la terre, l'eau, la foret... la communaute...
De prime abord j'ai ete un peu decu en realisant que mon idee de marcher en Inde prenait du plomb dans l'aile. Ce reve de marcher au fil des jours, pas a pas, entre ciel et Terre, le coeur ouvert l'inconnu, a la rencontre, de marcher et de se relier pour reprendre ensemble le chemin de la Vie, c'est peut-etre, je l'espere, en France qu'il va devenir realite.
Alors la premiere fois que nous avons rencontre la "yatra" (pelerinage en hindi), c'etait a Pondichery au Sud-Est de l'Inde. J'etais malade, impossible de faire route avec eux. La deuxieme fois c'etait a Bengalore, mais toujours un peu fragile, du ventre certes, mais aussi psychologiquement je crois. Peut-etre la peur au ventre. Peur de quoi? Je ne sais. Peut-etre peur de ne pas etre pret. Comme s'il me fallait encore du temps pour que mon esprit s'ouvre a cet univers indien pour moi assez deconcertant, pour que mon coeur s'ouvre et puisse sentir, etre touche, ressentir cet elan du coeur qui rayonne de Rajaji (surnom de Rajagopal) et des autres compagnons de route. La troisime fois, trois mois apres la premiere, Ah toujours ce noeuds dans les trippes! mais cette fois mon desir est si fort que j'embarque en esperant que ca tienne, en implorant que ca tienne. Et ca a tenu... Dieu merci.
Nous convoyons sur une mince bande de terre qui s'avance dans le lac Chilika. Ce lac est une merveille de la Nature (certes comme toute la Nature mais ici c'est remarquablement miraculeux): Cette lagune immense ou vienne se jetter une multitude de rivieres, dont une des plus importante de l'inde, est separee de l'ocean par un fin cordon de sable. Seule une "bouche" permet a l'eau douce de rejoindre la vaste mer et a l'eau de mer, peuplee d'habitants (poissons, planctons et crustaces), de rentrer. C'est par cette bouche naturelle que la lagune trouve sa respiration. Mais voila, l'homme (probablement plus que la femme), dans la faiblesse de son orgueil de vouloir controler, intervenir, violer la Nature pour en tirer un profit derisoire, il a decide de barrer la route a la riviere, d'en controler le flux par des barrages, et la lagune se meurt d'une eau croupissante qui n'a plus la vitalite des crues pour se renouveler. Alors, l'homme a decider de briser ce mince cordon de sable en son milieu pour ouvrir une nouvelle bouche, plus large, plus profonde, plus pratique, et surtout permettant a plus d'eau de mer de rentrer ce qui favorise les condition de production de crevette, la nouvelle industrie lucrative qui se developpe ici avec l'aide des japonais. C'est une cATASTROPHE ecologique (les majuscules sont ici par accident) et c'est une catastrophe humaine. Ceux qui ont des capitaux investissent pour profiter de cette nouvelle manne. Les communautes de pecheurs qui vivent ici en harmonie avec la Nature depuis des siecles et n'ont d'autre moyen de subsistance voient leur espace de peche se reduire tandis que les fermes de crevette se multiplient. Les lois s'accordent avec le profit, et plus encore, la mafia qui s'installe se rit des lois.
Mon regard vagabonde sur l'etendue d'eau calme tandis que le soleil du soir donne ses derniers rayons. Assis sur mon siege a l'arrire de la camionette, je goute l'athmosphere sereine, genereuse, touchante avec la presence de Rajagopal.
Il fait deja nuit lorsque nous arrivons au village. C'est une foule en liesse qui nous accueille avec des you-yous, des colliers de fleurs et des tambours. les yeux petillent et les sourirent illuminent les visages. Les hommes, les femmes, les enfants nous entourent et nous enmene en procession dans les rues du village. La joie est la chez ces pecheurs du bout du monde qui n'ont plus le droit de pecher. La joie et le malheur aussi. Tous nous nous regroupons et nous asseyons sous un dais colore. Les femmes devant, avec leurs saris colores, les hommes derriere, les enfants un peu partout. Des slogans qui parle de victoire sont repris par la foule. La troupe des chanteurs-chanteuses comediens-comediennes qui accompagne la yatra offre quelques chansons puis joue une piece de theatre: C'est l'histoire de pecheurs. Sous la pression de potentats locaux en collusion avec la police il sont chasses de leur village...
Cette piece met en scene la realite poignante de cette communaute ecrasee par un monde en developpement. Pousses a l'errance, il perdent le peu qu'il leur restait d'une vie simple et belle, d'une vie ensemble et digne. Et quel autre avenir que la decheance d'aller rejoindre la megalopole tentaculaire et se vendre a n'importe qui, a n'importe quoi, pour survivre aujourd'hui... survivre jusqu'a demain... peut-etre?
Alors que j'ecris ses mots, je suis a Delhi assis dans un canape blanc. Devant moi un the au lait dans une tasse de porcelaine bordee d'un liseret dore. J'ai des milliers de roupies dans ma poche et une carte de credit. J'ai acces a tous le confort de la vie moderne, insipide bien que trepidante, ou mon ame somnole, aveugle et sourde. A deux pas d'ici, derriere des baches tendues au bord d'un trou, plusieurs familles survivent la. D'ou viennent-ils? Ou vont-ils?
Le raisonnement ne suffit pas pour retourner a la Vie. La force de l'addiction nous tient prisoniers de l'artificiel. C'est par le coeur que nous sommes touches. C'est par un retour au coeur, a ce qui nourrit notre humanite profonde. Reconnecter avec le bonnheur simple de sentir le merveilleux de la Vie, retrouver notre nature, celle qui nous a ete donnee.
La piece s'acheve tandis qu'un des personnage reste debout, declare qu'il va lutter. Les pecheurs, les hommes et surtout les femmes de ce village, ont participe en 2007 a la grande marche des 25000 qui ont marche, parfois pieds nuds pendant un moi de Gwalior a Delhi. Contrairement a d'autres, leurs conditions de vie ne se sont pas ameliorees: ils n'ont plus le droit de pecher, toutes les terres autour de leurs maisons sont aux mains de proprietaires exterieurs au village, et le probleme se pose de savoir ou aller au toilette. Il y a aussi la difficulte de s'approvisioner en eau potable... Et pourtant la joie est la, au dela du malheur. Ces hommes et femmes ecrases trouvent encore la force de se lever, de marcher, de danser. En se joignant a eux, en les ecoutant, en les aimant, Rajagopal contribue a restaurer notre humanite meurtrie, redonne aux demunis la dignite et le pouvoir d'etre humain.
De prime abord j'ai ete un peu decu en realisant que mon idee de marcher en Inde prenait du plomb dans l'aile. Ce reve de marcher au fil des jours, pas a pas, entre ciel et Terre, le coeur ouvert l'inconnu, a la rencontre, de marcher et de se relier pour reprendre ensemble le chemin de la Vie, c'est peut-etre, je l'espere, en France qu'il va devenir realite.
Alors la premiere fois que nous avons rencontre la "yatra" (pelerinage en hindi), c'etait a Pondichery au Sud-Est de l'Inde. J'etais malade, impossible de faire route avec eux. La deuxieme fois c'etait a Bengalore, mais toujours un peu fragile, du ventre certes, mais aussi psychologiquement je crois. Peut-etre la peur au ventre. Peur de quoi? Je ne sais. Peut-etre peur de ne pas etre pret. Comme s'il me fallait encore du temps pour que mon esprit s'ouvre a cet univers indien pour moi assez deconcertant, pour que mon coeur s'ouvre et puisse sentir, etre touche, ressentir cet elan du coeur qui rayonne de Rajaji (surnom de Rajagopal) et des autres compagnons de route. La troisime fois, trois mois apres la premiere, Ah toujours ce noeuds dans les trippes! mais cette fois mon desir est si fort que j'embarque en esperant que ca tienne, en implorant que ca tienne. Et ca a tenu... Dieu merci.
Nous convoyons sur une mince bande de terre qui s'avance dans le lac Chilika. Ce lac est une merveille de la Nature (certes comme toute la Nature mais ici c'est remarquablement miraculeux): Cette lagune immense ou vienne se jetter une multitude de rivieres, dont une des plus importante de l'inde, est separee de l'ocean par un fin cordon de sable. Seule une "bouche" permet a l'eau douce de rejoindre la vaste mer et a l'eau de mer, peuplee d'habitants (poissons, planctons et crustaces), de rentrer. C'est par cette bouche naturelle que la lagune trouve sa respiration. Mais voila, l'homme (probablement plus que la femme), dans la faiblesse de son orgueil de vouloir controler, intervenir, violer la Nature pour en tirer un profit derisoire, il a decide de barrer la route a la riviere, d'en controler le flux par des barrages, et la lagune se meurt d'une eau croupissante qui n'a plus la vitalite des crues pour se renouveler. Alors, l'homme a decider de briser ce mince cordon de sable en son milieu pour ouvrir une nouvelle bouche, plus large, plus profonde, plus pratique, et surtout permettant a plus d'eau de mer de rentrer ce qui favorise les condition de production de crevette, la nouvelle industrie lucrative qui se developpe ici avec l'aide des japonais. C'est une cATASTROPHE ecologique (les majuscules sont ici par accident) et c'est une catastrophe humaine. Ceux qui ont des capitaux investissent pour profiter de cette nouvelle manne. Les communautes de pecheurs qui vivent ici en harmonie avec la Nature depuis des siecles et n'ont d'autre moyen de subsistance voient leur espace de peche se reduire tandis que les fermes de crevette se multiplient. Les lois s'accordent avec le profit, et plus encore, la mafia qui s'installe se rit des lois.
Mon regard vagabonde sur l'etendue d'eau calme tandis que le soleil du soir donne ses derniers rayons. Assis sur mon siege a l'arrire de la camionette, je goute l'athmosphere sereine, genereuse, touchante avec la presence de Rajagopal.
Il fait deja nuit lorsque nous arrivons au village. C'est une foule en liesse qui nous accueille avec des you-yous, des colliers de fleurs et des tambours. les yeux petillent et les sourirent illuminent les visages. Les hommes, les femmes, les enfants nous entourent et nous enmene en procession dans les rues du village. La joie est la chez ces pecheurs du bout du monde qui n'ont plus le droit de pecher. La joie et le malheur aussi. Tous nous nous regroupons et nous asseyons sous un dais colore. Les femmes devant, avec leurs saris colores, les hommes derriere, les enfants un peu partout. Des slogans qui parle de victoire sont repris par la foule. La troupe des chanteurs-chanteuses comediens-comediennes qui accompagne la yatra offre quelques chansons puis joue une piece de theatre: C'est l'histoire de pecheurs. Sous la pression de potentats locaux en collusion avec la police il sont chasses de leur village...
Cette piece met en scene la realite poignante de cette communaute ecrasee par un monde en developpement. Pousses a l'errance, il perdent le peu qu'il leur restait d'une vie simple et belle, d'une vie ensemble et digne. Et quel autre avenir que la decheance d'aller rejoindre la megalopole tentaculaire et se vendre a n'importe qui, a n'importe quoi, pour survivre aujourd'hui... survivre jusqu'a demain... peut-etre?
Alors que j'ecris ses mots, je suis a Delhi assis dans un canape blanc. Devant moi un the au lait dans une tasse de porcelaine bordee d'un liseret dore. J'ai des milliers de roupies dans ma poche et une carte de credit. J'ai acces a tous le confort de la vie moderne, insipide bien que trepidante, ou mon ame somnole, aveugle et sourde. A deux pas d'ici, derriere des baches tendues au bord d'un trou, plusieurs familles survivent la. D'ou viennent-ils? Ou vont-ils?
Le raisonnement ne suffit pas pour retourner a la Vie. La force de l'addiction nous tient prisoniers de l'artificiel. C'est par le coeur que nous sommes touches. C'est par un retour au coeur, a ce qui nourrit notre humanite profonde. Reconnecter avec le bonnheur simple de sentir le merveilleux de la Vie, retrouver notre nature, celle qui nous a ete donnee.
La piece s'acheve tandis qu'un des personnage reste debout, declare qu'il va lutter. Les pecheurs, les hommes et surtout les femmes de ce village, ont participe en 2007 a la grande marche des 25000 qui ont marche, parfois pieds nuds pendant un moi de Gwalior a Delhi. Contrairement a d'autres, leurs conditions de vie ne se sont pas ameliorees: ils n'ont plus le droit de pecher, toutes les terres autour de leurs maisons sont aux mains de proprietaires exterieurs au village, et le probleme se pose de savoir ou aller au toilette. Il y a aussi la difficulte de s'approvisioner en eau potable... Et pourtant la joie est la, au dela du malheur. Ces hommes et femmes ecrases trouvent encore la force de se lever, de marcher, de danser. En se joignant a eux, en les ecoutant, en les aimant, Rajagopal contribue a restaurer notre humanite meurtrie, redonne aux demunis la dignite et le pouvoir d'etre humain.
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