vendredi 20 juillet 2012

O mere Nature

Trop longtemps j’ai erré sur les chemins de solitude,
Seul, même de moi-même, inconnu
egare de t’avoir perdue,
Blesse de t'avoir reniee.
Car je suis ton fils !
C’est dans ton sein que tu m’as conçu du fond des âges,
C’est dans tes bras que tu me berces au rythme des nuages.

J’ai trop fui loin de Toi, loin de moi
Car ma nature c’est Toi!
Aujourd’hui j’ai quitté ma pelure civile,
Cette vielle peau que je croyais mienne,
Peau grisâtre de la fumée des usines,
Cette peau tachée du sang de ceux qu’on assassine,
Je l'ais quitte sur les chemins de Boheme.

O magnifique, merveilleuse Nature d'amour,
Toi que je retrouve au coeur et tout autour,
Quand je te vois courir dans le ruisseau,
Quand je te vois frémir aux feuilles de l’arbrisseau,
Quand je te vois t'offrir, délicate, subtile
En pétales rosés de pistils surmontés...
Ta beauté m’inonde,
Ravive en moi cette onde
Lumineuse, d’où la vie a jailli.
Fontaine eternelle, source de tous les Paradis,
Miroir du present qui me dit qui je suis.


Je suis Toi.
Toi que j'ai si souvent meurtrie,
Mais tu ne m’as pas abandonné.
Ta tendresse m'a embrasse
M'a garde, m'a conduit
Donne-moi confiance
Que je n’aie pas besoin de te vendre
Besoin de me perdre pour gagner ma vie.
Tu m’as fait confiance en me donnant Ta vie,
Laisse-moite donner la mienne et t’aimer aujourd’hui.

jeudi 28 juin 2012

Le lieu de mon repos

   Aujourd'hui est un jour de pause. Je me restaure, je me repose. J'ai marché longuement pour parcourir en deux jours les 75 km de petites routes entre la communauté de l'Arche de la Fleyssière et la maison de tante Jeanne. J'ai marché tranquille, me réjouissant des paysages, me régalant de fraises des bois, et pourtant... sans bien m'en rendre compte j'avais hâte de rejoindre le prochain lieu où je sais que mon corps sera confortable: manger à volonté, dormir dans un lit douillet. Alors j'allonge, non pas les pas mes les heures, dix heures, douze heures de marche... et j'arrive à bon port bien fatigué. Je dois alors me reposer, rester un jour pour me refaire. Je me dis :"c'est l'occasion d'être avec jeanne, avec jean-Roméo et Roger, c'est l'occasion de partager". C'est vrai, et j'en suis heureux. Mais il y a autre chose. Je vois bien que je ne suis pas libre de ma dépendance sur tout ce réconfort qui me rassure. Je me sent un peu comme les Hébreux aux désert qui rêvent de pot au feu alors que la manne et les cailles leur sont données en suffisance. Certes je me sens vivant, je respire, je contemple. Il y a ces moments sublimes où le merveilleux se fait jour en moi, ces chemins moussus tapissés de mille verts, ces ruisseaux cristallins qui chantent et dansent et trouvent leur chemin au creux de la forêt, ces panoramas grandioses de rudes collines fumantes de nuages: la Nature... si belle!
   Pourtant j'ai encore peur. Pas sûr d'être comblé. Alors je traverse la Nature et la Vie plutôt que la rencontre. Certes elle me porte, me nourri, elle m'enchante, et pourtant, je me détourne de tout détour, filant au plus vite pour rejoindre le lieu de mon repos, car ce n'est pas en elle que je repose. Serait-ce à l'image de notre vie sur la Terre lorsque souvent nous nous affairons inquiets, cherchant à fuir la finitude de notre condition, et en fait courrons vers la mort au lieu de goûter chaque seconde de vie.
   Demain j'espère reprendre le chemin (et c'est bien différent que de reprendre la route). Demain est un jour nouveau  et il a commencé ce soir alors que j'écris ces mots. Car je porte en moi, je le sens maintenant, cet ardent désir de Te retrouver,
O Nature divine, Nature bien aimée, d'abandonner mes peurs et de me retrouver infiniment vivant, comblé, en Toi.

Alors je fais cette prière
De tout souci, de toute affaire
Que mon coeur s'ouvre et se libère
Et marchant doucement sur la Terre
Que Ta beauté me désaltère
Qu'une fleur, même une pierre
Me soit un festin de lumière
M'abandonnant - confiance entière
Tapis de mousse, lit de fougère
Sur Toi repose, en Toi espère
Sur ton sein nu de tendre mère

dimanche 3 juin 2012

Mardi 22 mai
Aujourd'hui il vente et il bruine. Je marche doucement en direction du Sud-Est sur les petites routes. Pas d'argent, mais la joie au coeur de plonger dans la Vie, un pas de confiance, mille pas de confiance, dix mille pas de confiance... pour la rencontre, le partage. Inspiré par Pèlerin de paix, je ne demande pas de nourriture, ni d'abri pour la nuit, je vais, au petit bonheur la chance, accueillant ce que la providence me destine.
   Ce soir je souhaiterais passer la nuit à l'abri de la pluie; sur une gravure, des églises du coin dessinées, l'une d'entre elles présente un beau porche, c'est mon chemin, j'y vais...  Le porche est là et l'église est ouverte. Me voilà rentré dans ce vaste espace de quiétude, de recueillement, de louange. Une petite chapelle dans un recoin est décorée de fleurs et deux bougies sur chandelier déversent dans ce lieu une lumière douce et chaleureuse. C'est une chapelle dédiée à la Mère divine, pleine de tendresse, de compassion de douceur et de beauté. Elle abrite une petite piéta de bois peinte. La petite histoire raconte qu'un homme dont la femme et l'enfant était malade de la peste à réalisé cette oeuvre en appel à la miséricorde maternelle, ici sous le nom de "Notre Dame de Pitié". Un nom qui, à beaucoup d'entre nous, peut paraître rebutant, chargé de souvenirs douloureux d'une institution  mêlée au pouvoir de ce monde, ou il est difficile de sentir couler la sève de l'Amour. Et ce mot "pitié", est-ce qu'il évoque autre chose que cette condescendance affectée? Autant de mots, et surtout de maux, à comprendre, à envelopper de compassion, à guérir. Certes ça fait mal! Et la première réaction est le rejet: loin de moi ce mal! Mais dans un monde où la Vie est une, où le sort de tous dépend de chacun, il n'est pas possible d'être pleinement heureux sans avoir ouvert la porte de notre coeur à toute la vie, à tout de la vie, et notamment à la souffrance, la notre et celle d'autrui, sans garder notre coeur sensible, et que la tendresse, la compassion vienne nous délivrer, nous conduire au delà de l'avidité et du rejet, au delà du bien et du mal. Hou la la j'ai fais une longue digression. Je reprends mon récit...  Alors je m'assois volontiers dans cette chapelle, et je chante un moment, pour moi même, pour la Vie, et aussi avec l'espoir un peu confus que quelqu'un m'entende, et peut-être m'invite car le porche ne protège que partiellement du vent humide, je suppose que quelqu'un va venir fermer l'église, j'ai laissé mon sac à l'entrée, bien visible, et je suppose que la personne va venir éteindre les bougies. Puis je marche dans l'église et à côté de cette chapelle justement, un grand tableau au mur représente un homme que je reconnais être un pèlerin à son large chapeau sa gourde et sa coquille. Tandis qu'un chien portant dans sa gueule un pain le regarde, il semble rendre grâce au ciel qui s'est ouvert et laisse apparaître la Mère et l'Enfant. Je suis en arrêt devant ce tableau, songeant à mon désir de vivre se voyage abandonné à la Providence. Tout à coup j'entends une voix de femme disant:"Ya pas de miaou ici" puis "iiioonnn poooum clac clac" la porte de l'église est fermé. Et je suis enfermé, content et remerciant de cette fantastique chambre à coucher. je m'installe pour dormir sur l'estrade en bois dans la chapelle dorée. Au matin, je tourne le verrou qui s'ouvre du dedans et reprend mon bonhomme de chemin dans le matin frais.

   Je marche de colline en colline, faisant pause dans ces villages perchés. Les cerises sont déjà mûres éclatant gorgées d'eau des derniers jours de pluie. Je me fais un festin des marguerites du chemin. Je n'ai pas faim, mais dans ma tête il y a du pain, c'est bon du pain, je pourrais bien manger du pain, et est-ce que je vais tenir sans pain? Je pourrais aller à une boulangerie, demander s'il à du pain rassis à donner? C'est tentant! pourtant je ne sens pas la faim. Cette voix revient, continue de me parler, de me travailler, mais j'ai envie d'attendre, de me laisser découvrir ce que la providence me réserve, de faire cette expérience de découvrir que je peux lâcher mes peurs, notamment celle de manquer, et accueillir, vivre l'instant. Mais la voix est tenace, et dans un village je vois l'enseigne d'une boulangerie. Hésitations, tergiversations intérieures... je vais voir (autant dire je succombe à l'appel, non du ventre, mais du mental). Arrivé devant la vitrine, je jette un oeil intéressé à travers la vitre: complètement vide, pas même un meuble! Bon, ça va, ce n'es pas pour moi, "tu vois mental, c'est vide". Je reprends mon chemin par la rue principale, une autre boulangerie dis-donc! Bon je vais rentrer: pareil! vide, désertée! Ça c'est pas banal. "tu vois mental c'est vraiment vide!" de l'autre côté de la rue, je vois écris en grand: "CLIN D'OEIL La boutique souvenir" D'accord, j'ai compris, merci!...

mercredi 18 avril 2012

rendez-vous avec Irene


La rue du village est bordée de cahutes de planches au toit de tôles, collées les unes aux autres. Nous allons chez Irene. Nous toquons à la porte… « Karibu ! »Nous entrons. Irene nous accueille avec un large sourire, et toujours cette dignité qui émane de sa personne. Bien que ses jambes ne « marchent pas » et son dos sinueux, dans la façon qu’elle a de me tendre la main, je sens tellement de présence et de délicatesse, et son regard… droit et sûr.

Ses parents n’ont pas su l’accueillir enfant avec son handicap et je comprends qu’elle a beaucoup souffert même si elle en parle avec discrétion et miséricorde. Une âme généreuse lui a sauvé la vie en la sortant de l’isolement dans lequel elle était maintenu en lui donnant la possibilité de rejoindre les autres enfants à l’école qui, en revanche, lui ont témoigné tellement d’amour. Après avoir terminé des études de secrétariat, elle n’a pas trouvé de travail. Elle a vendu quelques temps du charbon de bois sur le bord de la route à Molo, la petite ville du coin, mais ce n’étais pas suffisant pour pouvoir payer un loyer en ville. Ca fait quatre mois maintenant qu’elle est venue s’installer à Mau Summit, et c’est tout juste si elle peut entrer avec son fauteuil par la porte de la cabane qui lui sert d’habitation. 10 m2 tout au plus pour elle et Flavian, son tout jeune bébé d’un mois. Le mari est parti lorsque l’enfant s’est annonce. Elle ne blâme pas, pas d’amertume en elle mais la reconnaissance et la joie pour ce don de Dieu, ce don de Vie !

Chaque jour me semble être pour elle à la fois un défi et un miracle. Autour d’elle, des enfants sont là qui l’aident, par amour. Cet amour qui rayonne de sa personne et qui, j’imagine, la porte dans sa vie, elle et ceux et celles qui osent approcher cette femme si différente, cette femme qu’on pourrait croire, sans la connaître, marquée du sceau du malheur.

Une jeune fille vient souvent prendre soin de Flavian. Cette jeune fille, d’une douzaine d’années peut-être, je ne connais pas son nom. Elle parle à peine et son regard est comme perdu, de même que son sourire. C’est vrai que les enfants ici sont très avenants, communicatifs, expriment facilement la joie, même si pour nous, selon nôtre standard de vie, il leur manque tout. C’est vrai aussi, et ils ne sont pas si rares, ceux qui me semblent brisés, ternis dans leur être, accablés par le malheur. Ce malheur, c’est notamment les clashs inter-tribaux qui ressurgissent à chaque période électorale : du bétail volé, des maisons brûlées, des personnes blessées voire tuées et d’autres qui s’enfuient en laissant tout, les familles qui s’éparpillent, et l’incompréhension…l’ami, le voisin, l’ancien camarade de classe qui soudain devient « l’ennemis ».Ce malheur c’est le SIDA. Une femme, Frida, mère de cinq enfants en bas âges, abandonnée par son mari, est morte cette semaine. Le malheur c’est cette croyance que la vie est une lutte où le choix de la réussite pour les plus forts l’emporte sur la compassion, la fraternité et le partage. Ce malheur ce sont les chiens laissés nuit et jour à la chaine qui n’ont où s’abriter sous la pluie battante et qui chaque soirs jappent en espérant quelques miettes tombées de la table du maître.

Qui est-il ce maître dont nous avons peur ? Qui est-il ce maître auquel nous obéissons sans trop poser de question, en nous fondant dans le confort d’être comme tout le monde, de ne pas « faire de vagues » au risque d’être montré du doigt ou inquiétés ?

Au milieu de tout ce malheur, Irene chante. Non pas pour oublier, non pas pour s’occuper, mais parce qu’elle a trouvé, malgré tout, ou, paradoxalement, grâce à tout, ce lieu secret au fond d’elle-même, cette demeure de grâce, où elle se sait aimée.



Nous sommes maintenant à l'université de Kabarak près de Nakuru ou
va se tenir à partir de mardi et pour une semaine la conférence
mondiale des Quakers durant laquelle nous allons servir de
traducteurs. Nous avons passé un mois chez une famille dans la campagne
dans la Vallée du rift. Ca nous a donné l'opportunité de découvrir la
vie rurale ici, dans une vallée fertile, mais où il y a cependant des
tensions inter-ethniques qui se cristallisent en actes de violence à
chaque période d'élections. Nombre de familles ont perdu leurs
animaux, leur maison, leur terre, ou des proches, et vivent au jour le
jour dans des conditions très précaires. Certains certaines s'engagent
pour la paix dans un processus de réconciliation avec le soutien
d'aides extérieures, principalement internationale avec une forte
présence américaine. J'espère qu'ils pourront peu à peu trouver la
ressource en eux-mêmes et leur autonomie. Tout le monde ici, à la
campagne, cultive la terre, ne serais-ce qu'un bout de jardin, même
ceux qui ont un emploi ou des revenus par ailleurs. Après la période
de sec de ses mois derniers, tout le monde s'affaire maintenant dans
les champs avec le retour de la pluie. Le travail se fait à la main
avec la houe et sème le maïs, souvent en association avec les
haricots. Le maïs, qui est ensuite récolte, sèche, stocke est la base
de l'alimentation ici avec les femmes qui chaque soir préparent
l'ougali, une sorte de polenta très ferme, dans un grand chaudron sur
le feu de bois pour toute la famille.
Il y a beaucoup d'enfants pour qui c'est la première fois de voir des
occidentaux. Ils sont souvent partages entre l'excitation, le désir de
nous découvrir, et la peur de l'inconnu. Alors souvent ils nous
appellent "muzungu! muzungu!" ("européen!) puis à notre approche
s'enfuient par les chemins en riant. Pour certains, c'est une aventure
que de nous serrer la main.






lundi 12 mars 2012

Derniers jours

   Nous sommes a "Hide Out" une ferme-auberge dans la region de Mumbai, du cote Ouest de l'Inde. Il y a plus de vingt ans qu'Heymant, un citadin de Mumbai, a achete cette terre autrefois denudee aujourd'hui couverte d'arbres fruitiers. Dans quelques jours on attend un raz de maree: trois-quatre cent personnes qui vont arriver de toute l'Inde pour se rencontrer, partger, explorer des voies alternatives au modele dominant, notament sous l'angle de l'education. Pour l'instant nous arrosons les bananiers, les citroniers et les ananas. Au plus chaud de la journee le thermometre atteind les 37 C, c'est seulement la fin de l'hiver ici. Progressivement la temperature va monter jusqu'a la periode de la mousson en juin. Cela nous parait difficile d'imaginer vivre dans de telles conditions. De l'eau en abondance, c'est ce qui maintient ce havre de verdure. Heymant dispose d'une pompe puissante qui vient puiser dans une retenue d'eau sur la riviere avoisinante. Mais si tous les shadocks se mettent a pomper?
   J'ai du mal a comprendre l'organisation ici mais le soir je sors la flute que j'ai trouve a Delhi et je joue... et en meme temps que je joue, ne sachant pas jouer, je decouvre la musique qui nous traverse, moi et l'instrument. Beaucoup de gens me disent: "Oh cette musique, la flute... c'est si beau!" Moi aussi quand j'ai entendu le son de la flute il y a quelques mois  de cela a l'atelier de communication non-violente, j'ai laisse ce que je faisait pour me diriger vers la source de cette musique. J'ai rencontre Bharat avec entre ces doigts, contre ces levres, une longue flute de bambou au son chaud et subtil.
   Trois jours avant la rencontre, une bonne dizaine de jeunes, des benevoles sont arrives pour mettre en place la logostique de la rencontre. Je decouvre des freres et des soeurs qui s'engagent pour un autre monde que celui qui s'impose et domine sur toute autre forme de societe. Certains ont laisse leur emploi aux USA et la vie de luxe qui va avec, la plupart trouveraient facilement un emploi bien paye dans une compagnie quelconque. Ils ont choisi de donner leur temps, leur energie, leurs savoir-faire, leur savoir-vivre pour ouvrir, experimenter, reinventer de nouvelles voies dans un monde qui a vendu l'ame.
   Le jour venu, nous sommes plus de trois cent a participer a la "non-conference". Pourquoi "non-"? Parce qu'ici un espace de rencontres est ouvert et personne ne sait ce qui va apparaitre. Cela ouvre en moi un espace d'accueil de ce qui est et je m'emerveille de ce que tout arrive a point nomme. Je me prends a "jouer" comme un enfant avec la nourriture: avec ma cuillere, puis avec mes doigts (voila que je franchi bien des interdits) je forme avec la riz dans mon assiette un beau monticule sur lequel je place une etoile a cinq branches (une tranche de carambole). C'est beau et appetissant, et ce petit acte de liberte et de creativite me rejoui le coeur. Ma voisine aussi trouve ca beau... Bien sur ce n'es pas "efficace". Je n'ais pas absorbe vite fait bien fait la dose de nourriture qui va m'apporter la quantite de nutriments necessaires pour subvenir aux besoins phisiologiques de mon organisme etc... J'ai pris la liberte de vivre cet instant relie a mon etre interieur, mon etre interieur, qui n'es pas comme un adulte bien eleve capable de se conformer aux usages que la bienseance reclame, mais plutot comme un enfant: sensible, creatif, emerveille... J'admire cette oeuvre puis je me met a la deguster a poetite cuilleree ("poetite": quelle belle faute de frappe!) . Arrive a la moitie... l'etoile tombe du dessus, et je la mange, sans trop me rendre compte que je la mange, pensif que je suis au sujet de "tout est pour le mieux". L'ayant ainsi mange, sans savoir, j'ai un instant de regret, puis je me dis "c'est pas grave, tout va bien", et tandis que je me remet a manger, voila qu'une etoile, la soeur jumelle de celle diparue, surgit du coeur du monticule de riz! Emerveille, amuse et reconnaissant, je la depose sur ce qui reste du dome et continue a savourer ce repas magique.
   Nous sommes le six mars maintenant et nous avons quite la ferme. A bord d'un moto-rickshaw (un triporteur avec habitacle) nous traversons pour la derniere fois la campagne indienne. Je suis triste de quiter cette campagne desechee ou j'ai rencontre tants de regards, de visages, de sourires, d'humanite, de simplicite... J'ai des larmes qui me viennent: c'est de la douce tristesse d'amour, comme lorsque l'on quitte un etre cher. Avec l'air chaud qui s'engouffre dans le rickshaw, j'ai l'impression d'etre devant un immense seche cheveux. Mes larmes n'ont pas le temps de couler que le vent les a deja emporte.
   ADieu Inde bien aimee...

mercredi 15 février 2012

Peregrination preparatoire

   C'est lorsque nous sommes arrives en Inde que nous avons compris que la campagne d'un an, preparatoire a la marche des 100 000 d'octobre 2012, ne se fait pas a pied mais en voiture. C'est un petit groupe d'une vingtaine de personnes, dont Rajagopal biensur, qui a entrepris de silloner pendant toute une annee l'ensemble de l'Inde. C'est que le pays est immense et le sens de cette entreprise est d'aller a la rencontre des communautes d'indigenes, de paysans, sans terre ou sans logis ou menaces de le devenir, dans la jungle, la campagne et aussi en ville, pour les ecouter, pour les rejoindre, et pour les inviter a s'unir en participant a la formidable marche des 100 000, qui vont marcher pendant un mois de Gwalior a Delhi pourdemander au gouvernement de respecter effectivement leurs droits de vivre simplement en preservant les ressources vitales naturelles: la terre, l'eau, la foret... la communaute...

   De prime abord j'ai ete un peu decu en realisant que mon idee de marcher en Inde prenait du plomb dans l'aile. Ce reve de marcher au fil des jours, pas a pas, entre ciel et Terre, le coeur ouvert l'inconnu, a la rencontre, de marcher et de se relier pour reprendre ensemble le chemin de la Vie, c'est peut-etre, je l'espere, en France qu'il va devenir realite.
   Alors la premiere fois que nous avons rencontre la "yatra" (pelerinage en hindi), c'etait a Pondichery au Sud-Est de l'Inde. J'etais malade, impossible de faire route avec eux. La deuxieme fois c'etait a Bengalore, mais toujours un peu fragile, du ventre certes, mais aussi psychologiquement je crois. Peut-etre la peur au ventre. Peur de quoi? Je ne sais. Peut-etre peur de ne pas etre pret. Comme s'il me fallait encore du temps pour que mon esprit s'ouvre a cet univers indien pour moi assez deconcertant, pour que mon coeur s'ouvre et puisse sentir, etre touche, ressentir cet elan du coeur qui rayonne de Rajaji (surnom de Rajagopal) et des autres compagnons de route. La troisime fois, trois mois apres la premiere, Ah toujours ce noeuds dans les trippes! mais cette fois mon desir est si fort que j'embarque en esperant que ca tienne, en implorant que ca tienne. Et ca a tenu... Dieu merci.

   Nous convoyons sur une mince bande de terre qui s'avance dans le lac Chilika. Ce lac est une merveille de la Nature (certes comme toute la Nature mais ici c'est remarquablement miraculeux): Cette lagune immense ou vienne se jetter une multitude de rivieres, dont une des plus importante de l'inde, est separee de l'ocean par un fin cordon de sable. Seule une "bouche" permet a l'eau douce de rejoindre la vaste mer et a l'eau de mer, peuplee d'habitants (poissons, planctons et crustaces), de rentrer. C'est par cette bouche naturelle que la lagune trouve sa respiration. Mais voila, l'homme (probablement plus que la femme), dans la faiblesse de son orgueil de vouloir controler, intervenir, violer la Nature pour en tirer un profit derisoire, il a decide de barrer la route a la riviere, d'en controler le flux par des barrages, et la lagune se meurt d'une eau croupissante qui n'a plus la vitalite des crues pour se renouveler. Alors, l'homme a decider de briser ce mince cordon de sable en son milieu pour ouvrir une nouvelle bouche, plus large, plus profonde, plus pratique, et surtout permettant a plus d'eau de mer de rentrer ce qui favorise les condition de production de crevette, la nouvelle industrie lucrative qui se developpe ici avec l'aide des japonais. C'est une cATASTROPHE ecologique (les majuscules sont ici par accident) et c'est une catastrophe humaine. Ceux qui ont des capitaux investissent pour profiter de cette nouvelle manne. Les communautes de pecheurs qui vivent ici en harmonie avec la Nature depuis des siecles et n'ont d'autre moyen de subsistance voient leur espace de peche se reduire tandis que les fermes de crevette se multiplient. Les lois s'accordent avec le profit, et plus encore, la mafia qui s'installe se rit des lois.

   Mon regard vagabonde sur l'etendue d'eau calme tandis que le soleil du soir donne ses derniers rayons. Assis sur mon siege a l'arrire de la camionette, je goute l'athmosphere sereine, genereuse, touchante avec la presence de Rajagopal.
   Il fait deja nuit lorsque nous arrivons au village. C'est une foule en liesse qui nous accueille avec des you-yous, des colliers de fleurs et des tambours. les yeux petillent et les sourirent illuminent les visages. Les hommes, les femmes, les enfants nous entourent et nous enmene en procession dans les rues du village. La joie est la chez ces pecheurs du bout du monde qui n'ont plus le droit de pecher. La joie et le malheur aussi. Tous nous nous regroupons et nous asseyons sous un dais colore. Les femmes devant, avec leurs saris colores, les hommes derriere, les enfants un peu partout. Des slogans qui parle de victoire sont repris par la foule. La troupe des chanteurs-chanteuses comediens-comediennes qui accompagne la yatra offre quelques chansons puis joue une piece de theatre: C'est l'histoire de pecheurs. Sous la pression de potentats locaux en collusion avec la police il sont chasses de leur village...
Cette piece met en scene la realite poignante de cette communaute ecrasee par un monde en developpement. Pousses a l'errance, il perdent le peu qu'il leur restait d'une vie simple et belle, d'une vie ensemble et digne. Et quel autre avenir que la decheance d'aller rejoindre la megalopole tentaculaire et se vendre a n'importe qui, a n'importe quoi, pour survivre aujourd'hui... survivre jusqu'a demain... peut-etre?
   Alors que j'ecris ses mots, je suis a Delhi assis dans un canape blanc. Devant moi un the au lait dans une tasse de porcelaine bordee d'un liseret dore. J'ai des milliers de roupies dans ma poche et une carte de credit. J'ai acces a tous le confort de la vie moderne, insipide bien que trepidante, ou mon ame somnole, aveugle et sourde. A deux pas d'ici, derriere des baches tendues au bord d'un trou, plusieurs familles survivent la. D'ou viennent-ils? Ou vont-ils?
Le raisonnement ne suffit pas pour retourner a la Vie. La force de l'addiction nous tient prisoniers de l'artificiel. C'est par le coeur que nous sommes touches. C'est par un retour au coeur, a ce qui nourrit notre humanite profonde. Reconnecter avec le bonnheur simple de sentir le merveilleux de la Vie, retrouver notre nature, celle qui nous a ete donnee.
   La piece s'acheve tandis qu'un des personnage reste debout, declare qu'il va lutter. Les pecheurs, les hommes et surtout les femmes de ce village, ont participe en 2007 a la grande marche des 25000 qui ont marche, parfois pieds nuds pendant un moi de Gwalior a Delhi. Contrairement a d'autres, leurs conditions de vie ne se sont pas ameliorees: ils n'ont plus le droit de pecher, toutes les terres autour de leurs maisons sont aux mains de proprietaires exterieurs au village, et le probleme se pose de savoir ou aller au toilette. Il y a aussi la difficulte de s'approvisioner en eau potable... Et pourtant la joie est la, au dela du malheur. Ces hommes et femmes ecrases trouvent encore la force de se lever, de marcher, de danser. En se joignant a eux, en les ecoutant, en les aimant, Rajagopal contribue a restaurer notre humanite meurtrie, redonne aux demunis la dignite et le pouvoir d'etre humain.

jeudi 12 janvier 2012

Lettre ecrite par kate mise en ligne par sebastien

   La periode de Noel fut pleine de riches experiences pour nous. Nous avons pris conge de l'ecole pendant trois semaines dans l'espoir de rencontrer des peuples tribaux dans les montagnes Niamgiri. Nous nous sommes retrouves encore une fois au bord d'un gros village/petite ville dans un batiment en beton tout neuf - qui est le bureau d'une ONG travaillant pour le 'developpement' de la population (groupes d'entraides connectes a la micro-finance; education/hygiene) Providentiellement, notre premier jour en ville nous avons rencontre un jeune homme d'un tout petit village, Thomas - Kuna Hial, chretien fervent qui a bien appris l'anglais et qui a accepte d'etre notre traducteur et guide pendant notre sejour - aussi il avait tres envie que nous visitions son village et d'autres villages ou il y a des chretiens. Les premiers jours dans cette region sebastien est tombe malade et notre visite aux peuples tribaux a ete retardee. Enfin nous nous sommes mis en route avec Thomas et avons marche environ 2 h a travers la jungle et, en grimpant la montagne, nous avons rencontre un couple qui revenait au village apres etre alle au marche qui nous ont aide a trouve le chemin.
   Les gens du village craignaient que nous soyons connectes a Vedanta Aluminium, la boite multinationnale qui menace leur vie en tant qu'habitants de la foret. Ils nous ont propose de rester une nuit et qu'ils se reuniraient le matin pour regarder notre demande.
   Alors que nous preparions un feu de camp pour passer la nuit (a quelques 100 m du village) des guerilleros sont arrives disant que nous devions partir, qu'ils defendaient le peuple et la montagne de la menace Vedanta et qu'ils n'etaient pas rassure pensant que nous pourions venir de la dite multinationnale (notre credibilite ne fut pas aidee comte tenu que l'ONG qui nous hebergeait distribue dans les villages locaux les farines nutritionnelles de Vedanta).
   Au final, et apres l'intervention d'une ou deux des femmes du village, il nous fut accorde de rester jusqu'au matin, dans le village meme. Ensemble nous avons grimpe les 100 m : gens du village en avant et guerilleros derriere. Je me sentait heureuse de ne pas avoir simplement concede aux menaces de violence, et en meme temps chagrinee d'avoir encore amene une perturbation dans la vie de ce village. Heureuse d'etre avec eux dans leur village, de sentir un peu leur qualite de vie, et regrettant que la presence des guerilleros empeche grandement la communication directe avec les villageois. Pour Thomas, qui craignait pour nos vies a tous les trois, l'experience fut tres eprouvante (il a a peine vingt ans), aussi ce fut une opportunite profonde pour partager entre nous 3 le sens de vivre a partir de la foi.
   Quelle joie pour Thomas quand nous sommes revenus a la plaine et avons ete chaleureusement recus dans un petit village au pied de la montagne (ou environ la moitie sont chretiens) - debut d'une periode inattendue de deux semaines de visites, prieres, partages, chants, demandes de guerison, dans de nombreux villages de la plaine alentour (ici c'est les plus pauvres qui tendent vers le christianisme).  Pendant ce temps nous etions installe chez les parents de Thomas dans leur petite maison a deux pieces et leur village a huit familles. En 2008 lors d'agressions contre chretiens, la moitie (chretienne) de ce village fut detruite - ensemble ils ont reconstruit. Dans de telles circonstances le defi de l'Evangile de vivre non pas dans la crainte des hommes mais d'etre pret a tout donner pour l'Amour m'apparait de facon plus vivante que jamais.
                                    De tout coeur
                                                     kate